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29 mars 2014 6 29 /03 /mars /2014 18:21
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T’es-tu déjà senti aussi bien que lorsque tu déambulais tranquillement dans midtown, les derniers rayons d’un soleil de printemps caressant les cimes des gratte-ciels, ta fille – qui, nonobstant sa volonté, sans cesse renouvelée et dirait-on presque inextinguible de te pourrir l’existence, te ressemble tellement – à tes côtés ? T’es-tu déjà un jour senti aussi vivant que sur la sixième ou Park, frôlé par le ballet incessant des manteaux des hommes d’affaires rentrant chez eux tels des Bruce Wayne pressés, humant l’air électrique dans lequel flottaient les dernières effluves des parfums des working girls en trainers ? Te sentis-tu déjà plus toi-même que, alors que l’Empire State allongeait sa flèche de cristal par-dessus les arbres de Bryant Park et qu’une sirène de pompiers retentissait dans le début de nuit, la lune soudain glissa son œil d’acier derrière le géant ? Te sens-tu davantage en osmose avec ton environnement qu’appuyé contre une bouche de métro de la ligne B, dans les torrents de vapeur surgissant des tuyaux orange, une slice déjà à demi mangée pliée en deux dans ta main ?

New York à chaque fois a cet effet sur toi ; comme si la ville voulait te dire que tu es a part of it, comme si les lumières allaient t’engloutir à jamais, comme si tu n’allais pas repartir dans quelques jours au-dessus du ruban gris de l’Atlantique. Comme si les bras de fer des buildings allaient gentiment se refermer sur toi comme une grand-mère aimante.

Toutefois, comme pour atténuer un peu ta peine, Manhattan, aujourd’hui, est apparemment surtout habitée par des hipsters. Ils se reconnaissent facilement à leurs pantalons étriqués aux couleurs fanées, leurs gilets de laine passés à la va-vite sur des chemises à carreaux, leurs longs bonnets retombant négligemment sur leurs épaules, et surtout leurs barbes qu’on dirait empruntées à des bûcherons canadiens. Bien sûr, des variantes existent : les chipsters sont en léger surpoids, les jewsters portent la kippa à la place du bonnet, et les malchanceux présentant une pilosité faciale impropre à la barbe surdimensionnée se contentent – courageux ou simplement aveugles – de la moustache. Et, voici bien un point où New York est bien semblable à tous les autres endroits du monde : on peut ici aussi dire que, hormis Zorro, Magnum ou une tripotée de dictateurs pour qui elle fait partie de la panoplie, la moustache n’est jamais le bon choix.

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