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13 novembre 2014 4 13 /11 /novembre /2014 20:59

Au début, tu ne l’as même pas senti. C’était juste comme un changement d’atmosphère – comme un frémissement. Dans les rues de Londres, quand tu passais devant un Urban Outfitters, à Camden ou sur Long Acre, ou un Whole Food Market – celui de Kensington est à tomber – c’était un peu comme si tu passais devant la maison de ton enfance. Même un simple Prêt à Manger – ah, les sandwiches brie-roquette-confiture – te faisait de l’effet. Tu n’arrivais pas à déstester complètement Brandy Melville – même si leur politique du « One size fits most » aurait dû te dégoûter. Mais tu ne t’en es pas soucié – tu as mis ça sur le compte de l’excitation, de la frénésie de cette ville.

Puis, de retour chez toi, dans ton semblait-il alors immuable cocon, tout s’est accéléré.

D’abord, ta barbe, d’ordinaire en jachère, attendant sa tonte hebdomadaire sans trop y croire, t’a semblé plus travaillée – plus luxuriante. Plus ordonnée, à dire vrai. Tu te surpris plusieurs fois à y jeter des coups d’œil approbateurs dans le miroir de ta salle de bains, en te disant que tu irais bien chez le barbier – comme si un tel métier était réel, existait.

Puis, tes cheveux. Le matin, d’ordinaire, il te suffisait d’y passer les doigts pour les peigner. Mais, désormais, lorsque tu te levais, tu sentais que, durant la nuit, ils s’étaient gentiment rangés sur un côté. Pire, ils ont commencé à tomber – ou plutôt à ne pas repousser sur tes tempes, formant un petit duvet ras. Et le dessus de ta tête était comme ondulé. Ondulé !

Mais ce sont les lunettes qui ont fini de t’alerter. Un jour, tu cherchais tes lunettes de vieux, qui ne te servent qu’à lire et à travailler sur ton ordinateur, et tu as fini par constater en voulant regarder ta pilosité dans le miroir qu’elles étaient déjà sur ton nez.

Mais, pire que ça, elles avaient changé. Elles avaient grossi.

Les montures étaient désormais faites de bois – ou d’une matière imitant le bois ; et elles te prenaient la moitié du visage, comme un gros insecte tropical qui aurait commencé à te sucer de l’intérieur pour construire son cocon.

Alors, après avoir un moment essayé de te concentrer sur les flaveurs de ton thé, tu as essayé de partir. Tu as voulu attraper ton cuir – mais ta penderie était pleine de chemises à carreaux. Tu as essayé de prendre tes affaires d’urgence, ton lecteur MP3 et ton reflex numérique, mais tu n’as mis la main que sur un Walkman et un Lomo. Arrivé à ta voiture, tu n’as pu que constater qu’elle avait été remplacée par un vieux vélo – en parfait état de marche. L’affreuse, la complète et terrible vérité, la vérité crue et blafarde : tu es en train de devenir un hipster. Et tu ne vois pas la moindre solution pour en réchapper.

Devant chez toi, un food truck noir, proposant burgers bio et frites maison, appelle tes papilles. Nourriture saine, peut-être un peu de vin : tu sens un petit creux. Après tout, pourquoi pas ? Demain, tu iras manger des lentilles au Whole Food.

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commentaires

A
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> <br /> Cordialement
Répondre
S
Je n'y manquerai pas... Merci.
S
Ah.... Voilà encore les meilleures lignes de la journée! Et peut-être même de la semaine.<br /> Ça me fait toujours autant rire...
Répondre
S
Merci !

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